Aujourd’hui, j’ai débuté un stage de « dessin, morphologie et anatomie » organisé par l’association Révélation Artistique. Le professeur est Tarik Essalhi, un ancien étudiant diplômé des Beaux-Arts et qui maintenant travaille comme artiste-peintre, en s’intéressant particulièrement à la sculpture. Le stage dure une semaine mais je me suis inscrit à deux sessions consécutives. 10 jours de dessin à raison de cinq heures par jour.
A la vue de mon piètre niveau comparé aux autres personnes et à mon absence totale d’expérience, ce ne sera pas du luxe ! La plupart des autres élèves sont jeunes, talentueux et veulent se diriger vers l’animation.
Le groupe est installé en demi-cercle avec des chevalets autour du modèle, nu. Tatiana a des formes généreuses et doit rester de trois à quinze minutes immobile pendant que nous la dessinons sur nos blocs de papier. Tarik fait le tour et nous donne des conseils individuellement. Par moment, il intervient de manière plus générale pour nous expliquer les points importants du corps, la colonne vertébrale, tel muscle, tel os et nous parle d’aplomb, d’équilibre et de cohérence physique.
Si par exemple une personne se tient debout avec le bassin en biais – la hanche gauche plus haute que la droite par exemple – cela impliquera forcément que les épaules seront penchées mais en sens inverse – épaule droite plus haute que l’épaule gauche – pour assurer l’équilibre du corps.
On doit donc mesurer, prendre certaines distances mais en même temps garder un trait simple, rapide et pour chaque nouvelle pose, nous devons dégrossir le travail en réalisant une esquisse sommaire avec des traits de sécurité, comme des garde-fous qui éviteraient d’avoir des disproportions.
J’ai l’impression que je n’arriverai pas à progresser mais tout apprentissage est ingrat. Je n’ai pas appris à jouer du piano en une semaine. Il y a eu des gammes, des exercices, des déchiffrages. Avec l’âge on n’oublie ce genre de choses et on croit que tout peut arriver rapidement. Ce serait bien trop simple et ennuyant si tout arrivé promptement !
La galerie Marian Goodman a exposé à Paris du 29 avril au 5 juin 2010 le dernier travail de la photographe Rineke Dijkstra.
Préambule sur Rineke Dijkstra
Rineke Dijkstra est une photographe néerlandaise connue pour ses séries de portraits. Son travail le plus exposé est certainement les images qu’elle a réalisées d’adolescents en maillots de bain sur la plage.
Rineke Dijkstra, Hilton Head Island, S.C., USA, June 24, 1992, 1992
One though that never-ceases-to-amaze-me-since-the-first-time-I-saw-her-work is Rineke Dijksktra. Rineke seems quiet. She has no blog, no website. I don’t hear of her partying escapades at various international art events. I do see her pictures, a lot and there is always new.
Les portraits de Rineke Dijkstra, dans leur formalisme, sont originaux et simples à la fois. Il n’y a pas de surenchère technique et la composition reste assez basique. Ce qui fait la singularité de ses photos d’un point de vue visuel est l’emploi spécifique de la lumière artificielle dans un décor naturel. Dans sa série sur les adolescents à la plage, les tons pastels du décor font opposition aux couleurs vives des maillots de bain, rendues ainsi par l’utilisation de flashes. L’ensemble donne une image qui sort de l’ordinaire et qui a un réel impact auprès du public.
Son approche photographique du portrait reste dans la neutralité. A la lecture de l’image, il ne semble pas y avoir de jugement vis-à-vis de ses sujets. C’est l’un des traits de la culture néerlandaise qui se retrouve dans son travail mais en art, cela aurait pu tomber dans une représentation insipide ou froide voire scientifique. Ses photographies ressemblent à un scan – social et intérieur – de personnes qu’elle photographie, telle une radiographie. Le travail de Rineke Dijkstra est à part car il est intriguant et brut. Il est rempli d’interrogations sans être compliqué. Tout le monde peut le lire.
Je suis donc allé voir, avec un à priori positif bien légitime, sa dernière exposition à la galerie Marian Goodman à Paris. Décidemment, la programmation de cette galerie colle à tous mes coups de cœur photographiques puisque la galerie parisienne a exposé Jeff Wall il y a quelques mois et la galerie new-yorkaise propose jusqu’au 19 juin les derniers travaux de Thomas Struth !
Exposition de Rineke Dijkstra à la galerie Marian Goodman
L’exposition est en deux parties.
La première est dans la salle du rez-de-chaussée. Il s’agit d’un groupe d’enfants, filmés sur un fond blanc, qui expriment à haute voix leurs sentiments et ce qu’ils voient face au tableau The Weeping Woman de Pablo Picasso. Les enfants sont filmés par trois caméras et l’installation est une projection des trois vidéos l’une à côté de l’autre. Au même étage, il y avait aussi une autre installation vidéo mais que je n’ai pas vu, représentant une jeune étudiante en train de dessiner alors qu’on lui montrait une vidéo de Pablo Picasso au travail.
Rineke Dijkstra, The Weeping Woman, Tate Liverpool. 2009.
Cette installation vidéo ne m’a pas réellement séduit. Il y a des lenteurs dans le montage et la forme employée m’a rapidement désintéressé. C’est dommage car l’idée est originale mais je reste insensible au résultat final.
Le deuxième partie de l’exposition, quant à elle, est captivante !
Rineke Dijkstra a construit un studio dans la discothèque Krazy House à Liverpool. Elle a demandé à Simon, Megan, Nicky, Philip et Dee, cinq adolescents, de venir en semaine lorsque la discothèque est fermée et de danser sur leur musique préférée (de la deep house à l’alternative metal en passant par la transe). Elle les a filmé sur un fond blanc uni.
L’installation vidéo se situe à l’étage du dessous. La salle est complètement obscure : le sol est une moquette noire, les murs de même et on y accède par un petit couloir tapissé d’un revêtement anti-bruit. A l’intérieur, les quatre murs hébergent chacun un écran de projection. Une à une, les vidéos sont projetées et se succèdent, présentant ces jeunes gens sur fond blanc, en train de danser sur leur musique. La salle de la galerie est donc entièrement noire avec juste la chanson de la vidéo en fond sonore et l’un des quatre écrans qui est illuminé. Les trois autres murs baignent dans l’obscurité totale.
L’expérience est immersive car le lieu invite à se plonger dans l’univers de chacun : par l’absence de sons parasites dans la salle, par le conditionnement à l’analyse et à l’écoute que procure le noir et finalement par la quasi-transe dans laquelle sont les adolescents lorsque la musique commence. A noter d’ailleurs à propos de la scénographie que le blanc de l’écran est réfléchi sur la moquette du sol et crée ainsi un halo lumineux. Cette lumière blanche guide le visiteur vers la vidéo et fait aussi office de mise en valeur de l’objet en créant un pourtour lumineux englobant l’écran.
Enfin, un élément important de la scénographie réside dans les choix faits pour la projection. Les sujets sont cadrés légèrement plus large qu’un plan américain et projetés à une taille un peu plus grande que la réalité. Le visiteur est alors happé par l’image et les sujets, par leur taille inhabituelle, ont de fait une présence extraordinaire.
Rineke Dijkstra, The Krazy House, Liverpool. 2008-2009.
Rineke Dijkstra, The Krazy House, Liverpool. 2008-2009.
Rineke Dijkstra, The Krazy House, Liverpool. 2008-2009.
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A mes yeux, cette installation est triple :
elle apporte un regard social sur la jeune génération
elle peut être l’introduction d’un travail typologique sur la danse et sur les musiques contemporaines
et elle crée une expérience humaine pour le visiteur
Avant de parler du premier point, voici une courte parenthèse sur les choix formels. L’esthétique est à nouveau très néerlandais, à savoir sobre mais efficace. L’image est dépouillée avec un élément simple sur un fond uni. Cet aspect visuel reprend les codes actuels de la publicité et du clip. Pour exemple, voici une publicité pour Mac, une pour l’iPod et enfin le clip « Everybody’s changing » de Keane.
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L’éclairage est doux et presque sans ombres, il n’y a donc pas d’intention particulière, au sens de jugement de la part de la photographe. On retrouve alors le vocabulaire visuel de Dijkstra et la neutralité de sa démarche.
Cette neutralité amène à la force du premier aspect de l’oeuvre : le regard social.
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Regard social
La jeune fille noire sur la troisième photo en est un exemple. Au début de la vidéo et donc de la chanson, elle est particulièrement mal à l’aise. Elle n’ose pas bouger, son buste est assez rigide ; elle regarde la caméra comme pour demander la compassion du spectateur. De manière mécanique, sans aucune conviction, elle rassemble ses deux mains pour symboliser la forme du cœur – artefact chorégraphique très fréquent en Tecktonik -. Puis, petit à petit, elle commence à rentrer dans la musique et enchaîne les déhanchés classiques que l’on peut voir dans n’importe quelle discothèque. A la fin de la vidéo, elle est véritablement dans un état de partage, elle donne, sourit, profite de la musique.
La fille blonde de la première photo, quant à elle a choisi une musique beaucoup plus planante, de la deep house. Pendant toute la durée de la séquence on ne voit presque pas ses yeux. Elle intériorise une grande partie de ses émotions : elle esquisse de petits mouvements de bras, a la tête baissée et ses jambes sont immobiles. Sa tenue vestimentaire aussi recouvre des indices. La robe est taillée très court et le ruban gris qui coupe le décolleté renforce son impact (se dénuder partiellement). L’image qu’elle donne est forcément bien différente de la précédente adolescente, portant un jean avec une large ceinture marron et un t-shirt imprimé.
Ce qui est étonnant, c’est que la jeune fille à la robe noire ne porte aucun bijoux et son maquillage est très discret. Ce n’est pas une directive de la photographe car la troisième fille portait des créoles et avait du blush de manière assez marquée.
Le jeune aux cheveux longs sur la seconde photo a choisi Chop Suey de System of a Down. Il commence en faisant de l’Air Guitar sur le solo d’introduction puis, à l’arrivée de l’ensemble rythmique tourne sa tête pour « faire la toupie » avec ses cheveux ! Il vit totalement la musique et l’exprime. C’est cette différence d’expressivité qu’il est intéressant de noter justement.
L’autre garçon filmé, sur une musique transe (électro) réalise une véritable chorégraphie, mélange de breakdancing, de jumping et un petit peu de tecktonik. Contrairement aux autres, il regarde fixement la caméra, reste dans l’axe pour réaliser certaines figures symétriques avec ses membres et finit les quelques minutes de musique en nage tellement il s’est donné !
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Travail typologique
Le deuxième aspect, le travail typologique, est évidemment très lié au premier. La photographe utilise le même procédé pour chaque adolescent ; seul le sujet et la musique changent. L’installation ressemble donc en partie à une étude sociologique/scientifique qui permettrait de récolter des informations comme le style de musique, la tenue vestimentaire, le comportement face à la caméra ou la manière de danser.
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Expérience humaine
La première fois que j’ai visité l’exposition, il n’y avait personne. C’était le lendemain du vernissage et il était onze heures du matin. Je suis resté pendante les trente minutes du cycle des vidéos, happé parce que je voyais. J’analysais tout, découvrais et en même temps je profitais de la musique.
La seconde fois c’était tout autre : une quinzaine de personnes étaient déjà dans la salle quand je suis entré : trentenaires, hommes, femmes, avec enfants, seuls, homos, hétéros ; bref, assez représentatif du 3ème arrondissement finalement ! Tout le monde s’était assis directement sur la moquette et regardait les vidéos.
L’expérience était complètement différente. Nous étions là en tant que spectateurs réunis, en train de regarder la même chose. La scène que nous regardions dans la galerie, normalement, est difficilement partageable car il s’agissait d’écouter une musique de discothèque avec attention et de regarder les comportements qui n’ont lieu que dans les boîtes de nuit.
Généralement, en boîte, l’activité humaine (proximité physique, jeux de séduction, alcool, chaleur, inconfort) fait que l’on n’est pas extrêmement attentif à la musique. On peut la vivre, certes, mais de manière assez grossière, sans subtilité. Dans la galerie, nous pouvions apprécier dans des conditions idéales cette musique et l’écouter en groupe.
Plus intéressant encore, ce que nous pouvons faire individuellement en discothèque, comme regarder une personne pour étudier son comportement, voir ses gestes, être séduit ou pas par sa manière de danser est presque impossible à partager. On peut le raconter à nos amis après la soirée mais ce ne sera pas pareil, l’information est déjà interprétée et puis assez diffuse : quand on veut regarder une personne il y en a toujours une autre qui passe devant, obstrue la vision. Tout n’est que parcellaire, incomplet.
Dans l’expérience The Krazy House de Rineke Dijkstra, la photographe impose à son public de regarder tous ensemble, en même temps, la même personne de manière limpide mais abstraite car dénuée du contexte habituel. Les visiteurs peuvent commenter de vive voix et réagir.
L’artiste crée donc un « oeil » qui est celui des visiteurs face à cette scène surréaliste. Effectivement, dans la danse – en omettant les gens qui dansent seuls chez eux par simple plaisir – il y a toujours un échange entre celui qui bouge et celui qui regarde. Ce peut être deux danseurs entre eux ou un seul face à un spectateur mais il y a forcément une interaction dans la mesure où il y a communication. La danse est aussi le summum du langage corporel, le fameux « body language » : ce mouvement dénote la pudeur, celui-ci un acte sexuel, celui-là un lâcher prise. Dans ce cas, il y a juste une caméra. Que devient donc cet acte de danser face à un spectateur qui n’est pas présent dans la salle et surtout dans un lieu qui normalement est une discothèque mais sans l’ambiance et la population d’une discothèque ? Que deviennent tous les codes et leurs conséquences que la danse peut impliquer ?
C’est aussi ce mystère qu’a crée Rineke Dijkstra par cette oeuvre vidéo. Grâce au fait qu’elle a imposé une abstraction à la prise de vue (en occultant une partie du contexte), la portée de son oeuvre s’en trouve grandie et cette dernière transcendée car on peut la voir par de multiples prismes.
Une oeuvre devient une oeuvre d’art à partir du moment où elle entre dans un musée.
Vous souvenez-vous de cette vidéo qui avait envahi la toile il y a quelques années ? Joshua Bell, un violoniste virtuose jouait dans le hall de la gare de Washington DC dans l’indifférence générale.
Cette expérience est très révélatrice. L’art a besoin d’un contexte pour être apprécié. Si un panneau à côté indiquait : « Cet homme a gagné un Grammy Award » ou si le musicien jouait exactement les mêmes morceaux, avec la même interprétation mais juste dans une salle de concert, la réception de son œuvre aurait été totalement différente.
De même, à l’époque préhistorique, un silex gravé avec des ornements gagnera en reconnaissance uniquement si le groupe social, c’est-à-dire la société le reconnaît comme une œuvre d’art et non comme simple outil. La reconnaissance, légitime ou pas, impose l’intérêt.
Il n’y a pas d’art sans institutions. En soi, une peinture de Rembrandt, un film de Fritz Lang, une musique de Mozart ou une sculpture de Giacometti ne sont que des productions, des créations humaines.
Au fond, qu’est-ce qui différencie l’activité du peintre Pierre Soulages, qui investit toute sa vie à peindre des toiles blanches avec du noir d’un chercheur mathématicien qui dédie toute son existence à la démonstration d’un théorème ? Les deux sont déterminés, impliqués ; ils cultivent le goût pour l’excellence et sont « spécialistes » voire même uniques dans leur domaine. Les mathématiques font tout aussi appel à une ouverture sur le monde que la création picturale.
La seule différence que je vois dans ces deux productions, c’est l’étiquette. Ce label virtuel qui indique que les œuvres de Pierre Soulages relève du domaine artistique et pas celles du mathématicien. Ne faut-il pas de folie, de persévérance et d’entreprise à fort message – conceptuel ou pas – pour faire décoller une fusée et découvrir l’univers ? Certes, il y a des impératifs commerciaux et une volonté lucrative mais cela n’a pas toujours été le cas. Honnêtement, les ingénieurs qui réalisent ces objets sont très semblables aux artistes, autant dans la personnalité que dans la démarche.
Le fait donc de dire « ça c’est de l’art », « ça ce n’est pas de l’art », en quelque sorte n’a rien à voir avec l’œuvre même. Les institutions qui ont droit de vie ou de mort sur les travaux d’un créateur dessinent le paysage artistique, sur des critères qui me semblent bien peu ouverts. Le triumvirat infernal – galeries, musées et salles de vente – est à l’origine de ce comité de censure et de promotion décentralisé. Il n’est pas seul, aidé par quelques branches satellites tenues par des universitaires, des critiques d’art et quelques concours à influence internationale, il représente une couche d’abstraction, ô combien subjective qui appose une valeur artistique ou financière à une œuvre.
De ce constat, on peut en déduire que l’art n’existe pas, ou tout du moins, qu’il ne représente que l’avis de certaines institutions, peu importe sur quoi porte cet avis. Il faut bien saisir d’ailleurs, que le mot « artiste » employé en son sens communément admis aujourd’hui n’est apparu qu’à partir de la Renaissance, soit extrêmement tard dans l’histoire de l’humanité. C’est donc une notion nouvelle et sa définition est aussi multiple que le nombre d’humains sur cette planète !
Je crois qu’il faut prendre du recul sur ce qui est l’art aujourd’hui. On devrait tous se considérer comme des praticiens, des artisans, des créateurs. Johann Sebastian Bach se prenait-il pour un artiste ? J’en doute. Il travaillait sur commande uniquement, devait rendre sa copie tel un écolier toutes les semaines pour la messe du dimanche. On est bien loin de l’imagerie romantique de l’artiste-poète dont le génie impose la tolérance de tous les excès.
Norman Rockwell par exemple avait une vie assez banale, voire même monotone. Considéré comme un workaholic par son entourage, il fait plus penser à un enseignant-chercheur dévoué à sa tâche, mettant en second plan sa vie familiale et sociale qu’au très séduisant John Keats.
La fontaine de Marcel Duchamp est définitivement une œuvre majeure car non seulement elle explique le fonctionnement du milieu de l’art et la reconnaissance d’une œuvre par les institutions mais elle est aussi une métaphore très forte sur l’impact du groupe social dans l’échelle de valeurs de la société.
Tout n’est que hiérarchie : de la reconnaissance (célébrité, compétence) à la position sociale (pouvoir, argent) sans oublier la sacro-sainte séduction et attraction sexuelle intimement liée aux deux premiers points.
Les hommes et les femmes évoluent dans la rue de manière assez simple. Certains sont bien habillés, d’autres pas. Certains sont souriants, d’autres sont énervés mais, en filigrane, au-dessus de cette partie visible, il y a un monde parallèle, perceptible que par nos structures mentales complexes, celle des hiérarchies et de la place de la réussite, du succès. Tout est dicté par ça : ceux qui ont réussi et ceux qui sont restés en bas de l’échelle.
La différence va venir du choix de l’échelle justement : alors que les bouddhistes vont avancer sur les rails de la spiritualité, les sociétés occidentales elles ont choisi le matérialisme ou la position sociale. Mettre un urinoir dans un musée, c’est révéler les échelles de valeur et les étiquettes. Un objet insignifiant à Beaubourg représente, de facto, une œuvre d’art et profite donc d’une renommée mondiale dans le milieu de l’art. Duchamp crée l’étiquette, crée lui-même à partir de rien une légende qui dit : « La société va trouver ça génial donc à partir de là, considère-le ». Et ça fonctionne !
Son œuvre est donc méta-sociétale : elle explique le fonctionnement de la société en l’appliquant à un sous domaine, celui de l’art.
Ce n’est pas Rembrandt qui est de l’art, c’est le fait de le dire.
Tout comme une équipe de tournage cinéma teste son matériel avant chaque projet, il me semble important de connaître les possibilités de mon dispositif photographique. C’est d’autant plus utile que les capteurs actuels permettent des prouesses techniques vraiment impressionnantes, à la limite de la magie !
Objectif du test
J’ai constaté que mon boîtier Nikon D700 pouvait récupérer des informations dans les basses lumières de manière assez étonnante. Lors de la retouche de mes photos, si j’augmente numériquement l’exposition ou si je monte les basses lumières pour faire ressortir certaines zones du sujet, je veux savoir dans quelle mesure je peux le faire et quels seront les effets de bord d’une telle action.
L’objectif de ce test est donc de déterminer comment le capteur du boîtier que j’utilise se comporte dans les basses lumières et jusqu’où peut-il aller pour récupérer des détails dans les zones d’ombre. Par la même occasion, j’en ai profité pour étendre l’expérience aux hautes lumières, domaine très critiqué en photographie numérique puisque les possibilités de récupération sont moins importantes qu’en argentique.
Protocole de test
La principe du test est de prendre en photo un nuancier coloré et un autre en noir et blanc, et de faire varier l’exposition. Le cadre reste le même, ce ne sera que l’exposition qui changera par incrément et décrément de crans (un cran = un diaphragme = un stop pour les anglophones).
Le dispositif de prise de vue est le suivant. La scène est éclairée naturellement par la lumière du jour qui passe au travers d’une fenêtre.
Le sujet est un triplet : nuancier couleur, nuancier noir et blanc et charte gris neutre.
L’appareil photo utilisé est un Nikon D700. Une télécommande filaire que l’on ne voit pas sur la photo permet de déclencher l’obturateur. Le zoom, un Nikkor 24-70 mm à ouverture F2.8 constante est paramétré pour ouvrir à F4.0 dans ce cas.
Appareil photographique Nikon D700 avec un zoom 24-70 mm F2.8. Le déclenchement est assuré par une télécommande filaire.
Voici une photo vue depuis l’arrière de l’appareil. La balance des blancs a été définie à « Soleil », ce qui suffit pour ce type d’application. En la corrigeant sous Lightroom par la suite via la pipette pour la positionner sur la charte gris neutre, je trouve le rendu trop chaud et moins fidèle !
La scène vue depuis l'appareil photo. Ici, le Nikon D700 de dos.
D’un point de vue technique, voici la configuration du boîtier :
Diaphragme : F4.0
Vitesse : 1/5 sec (pour l’exposition de référence, reprise de la mesure faite au posemètre en lumière incidente)
Sensibilité : 200 ISO (correspondant aux meilleures capacités du capteur pour cet appareil)
Mode d’enregistrement : JPEG fin + RAW (NEF) 14 bits sans compression
Logiciel de traitement : Lightroom 2.6 avec les réglages par défaut
La mesure d’exposition a été faite en lumière incidente, au milieu du cadre.
Mesure de l'exposition en lumière incidente. Valeur donnée par le posemètre pour 200 ISO : F4.0 et 3/10 de diaphragme et 1/4 sec.
J’ai permuté mon appareil, pour l’exposition, dans le mode par incrément d’1/3 de diaphragme. Je préfère garder des crans entiers mais pour ce test, il fallait être exactement conforme à l’exposition donnée par le posemètre.
J’aurais pu reculer le sujet pour perdre en lumière et « rejoindre » un cran entier (1/2 sec à F4.0) mais j’aurais perdu en lumière et pour les surexpositions, cela aurait fait augmenter le temps des poses et les poses longues ne sont pas très propices aux tests techniques. Quant à avancer le sujet, ce n’était physiquement pas possible, comme le montre la première photo de cet article.
L’exposition de référence sera donc : 200 ISO, F4.0, 1/5 sec. Elle correspond en quelque sorte au « Gris 5″ d’Ansel Adams.
Vue d’ensemble du résultat
Pour se concentrer sur l’essentiel, toutes les photos ont été recadrées : le blanc du fond qui entoure les chartes a été exclu du cadre par le passage au format carré.
Le résultat des différentes expositions, sans traitement dans Lightroom est présenté dans ce tableau.
Résultat des photos de -10 EV à + 5 EV. Rendu par défaut (pas de traitement dans Lightroom).
En effectuant une lecture très rapide, sur la charte gris neutre tout en bas (celle qui est coupée), on peut conclure déjà que le capteur a, au minimum, une dynamique de 8 diaphragmes (on peut discerner tous les niveaux, dans cette zone, allant de – 3 EV à +4 EV).
Nous allons voir que malgré les apparences, toute la première ligne (-10 EV à -6 EV) contient des informations alors que pour les hautes lumières (dès +3 EV on commence à atteindre les limites du capteur).
Récupération des basses lumières
Le but est de pousser l’exposition pour essayer d’atteindre au maximum l’exposition idéale étiquetée « 0 EV » dans le tableau précédent.
Etant donné qu’il faut jouer sur plusieurs éléments du post-traitement d’une photo, je l’ai réalisé au cas par cas. La méthode est manuelle et l’appréciation subjective. Les curseurs qui ont été actionnés dans Lightroom :
Le bruit apparaît légèrement à partir de -3 EV quant à la perte franche de netteté, c’est à partir de -5 EV qu’elle est réellement visible.
Malgré tout, à -10 EV il y a encore une quantité non négligeable de détails et les couleurs, bien que bruitées, sont toutes fidèles. Avec un bon traitement anti-bruit, cette dernière photo est presque exploitable si on accepte son bruit !
Récupération des hautes lumières
Voici le résultat pour les photos surexposées.
Récupération des hautes lumières à +1 EV.
Récupération des hautes lumières à +2 EV.
Récupération des hautes lumières à +3 EV.
Récupération des hautes lumières à +4 EV.
Récupération des hautes lumières à +5 EV.
En surexposition, le capteur est beaucoup moins permissif. Dès +2 EV, on perd toutes les couleurs pâles (donc les tons chairs) du haut de la charte couleur. Ces couleurs se transforment en niveaux de gris.
La dynamique du capteur est réduite franchement à partir de +3 EV : les niveaux de gris de la charte gris Kodak perdent l’étendue de nuances du blanc au noir. Il ne reste plus qu’une dizaine de valeurs là où précédemment il y en avait le double. Sur cette même image, celle à +3 EV, on a aussi perdu totalement le jaune (pâle et vif).
L’image à +4 EV accentue les effets précédents, elle est presque en noir et blanc.
A +5 EV, le gris de la charte d’en bas est devenu complètement blanc. On est en dehors des possibilités du capteur.
Que faut-il conclure de ce test ?
Plusieurs conclusions sont à tirer de cette expérience :
Le capteur est meilleur en basse lumière qu’en haute lumière (au sens sous-exposition et surexposition)
Il vaut mieux sous-exposer que surexposer une photographie avec ce type de matériel
Les couleurs sont conservées, même pour les images très fortement sous-exposées
La qualité du capteur et l’encodage sur 14 bits de l’image permet de récupérer des détails même sur une photo apparemment absolument noire
Ne pas sous-estimer les possibilités de post-traitement d’une « image ratée » car mal exposée
La dynamique de 12 stops, mesurée par DxoMark est bel et bien réelle mais pas équilibrée de part et d’autres du gris neutre. Elle penche plus vers les zones sombres.
Quelques anecdotes
Impact du temps de pose sur les possibilités de récupération
Lors des poses longue, j’ai préféré doubler les photos, en gardant la même exposition mais en changeant le couple vitesse/diaphragme pour voir s’il y avait une différence. Bonne idée parce qu’effectivement les possibilités de récupération différent en fonction de temps de pose !
Instinctivement, j’aurais dit que plus le temps est court, plus le capteur est dans son comportement normal et donc qu’il donne le meilleur de lui-même sauf que ce n’est pas le cas. En ouvrant d’un cran le diaphragme et réduisant dès lors de moitié le temps d’exposition, le fichier comporte moins d’information à récupérer : la preuve en image.
Impact du temps de pose sur les possibilités de récupération.
Au niveau du « M » de l’image de droite, la zone est légèrement grise alors que sur la photo au temps de pose plus court, la barre est totalement blanche. De même, la case correspondant au cyan vif présente moins d’artefacts sur la photo à 3 secondes de pose que sur celle à 1,6 secondes.
Je ne crois pas que ces différences proviennent du diaphragme puisque ce dernier joue sur :
la profondeur de champ (pas importante ici, le sujet est plan)
les aberrations chromatiques (ce n’est pas un sujet sensible aux franges de couleur)
le vignetage à pleine ouverture (les photos présentées sont des recadrages de la partie centrale de la photo, non sujette aux coins d’image plus sombres dès qu’on s’éloigne du centre)
Différences de traitement entre Lightroom et Photoshop
En essayant d’obtenir le maximum d’information à partir des mêmes fichiers, je me suis rendu compte que Lightroom était bien meilleur que Photoshop CS4 ! Quand je parle de Lightroom, j’inclue aussi Adobe Camera Raw.
Si par exemple j’envoie une image à Photoshop CS4 depuis Lightroom (l’image en NEF 14 bits), Photoshop ouvre la photo mais en appliquant le même réglage que sur Lightroom, une baisse d’exposition de 3 EV, le résultat est totalement différent. L’image importée dans Photoshop est pourtant bien sur 16 bits.
L’algorithme « Exposition » des deux logiciels est peut-être différent mais même lorsque j’essaie d’obtenir le même résultat que Lightroom sous Photoshop avec des outils comme les courbes, les niveaux ou luminosité/contraste, je n’y arrive pas non plus !
Différences des possibilités de récupération en fonction du logiciel utilisé.
Si un lecteur généreux arrive à expliquer ce comportement, qu’il n’hésite pas à me contacter par mail : photo@jrpac.com.
Lors de mon escapade à Toulouse en cette fin d’année, je suis allé découvrir pour la première fois la galerie du Château d’Eau. Il était temps : aimer la photographie et être toulousain devraient logiquement faire de ce lieu une seconde maison !
Le photographe d’origine allemande Jürgen Nefzger, que j’avais découvert il y a un peu plus d’un an à la galerie Esther Woerdehoff y exposait une partie des travaux de ces dernières années.
La série principale s’appelle « Fluffy clouds » ; les curieux n’habitant pas la ville rose peuvent malgré tout l’apprécier par sa page dédiée, accessible depuis le site officiel du photographe.
Jürgen Nefzger, Kalkar, Germany, 2005.
Cette série se propose de montrer le contraste saisissant entre l’implantation d’usines nucléaires, dans différents pays d’Europe, et la vie des habitants environnant. Les gens continuent leurs loisirs, indifférents à ces installations industrielles redessinant le paysage. Bien évidemment, il y a tout un message qui a trait à notre environnement. La portée écologique de ces photographies est revendiquée par le photographe (à la lecture du prospectus donné à l’entrée de la galerie). Pour ma part, cette information là m’intéresse moins que les questions purement urbanistiques que soulèvent en filigrane ces images.
Jürgen Nefzger, Sellafield, England, 2005.
Cette photographie par exemple me semble tout à fait frappante. Tout d’abord, je retrouve avec plaisir la rigueur allemande. L’image a été prise à la chambre 4×5″, tirée en grand format en argentique couleur (les tirages de la galerie étaient somptueux) et quel sens du cadre, de la composition !
La rime visuelle des cheminées est rappelée par le piquet de golf ; l’image est construite sur une verticalité omniprésente (cheminées, tours, personnages) fendue par une ligne d’horizon re-équilibrant l’image ; et, enfin, les couleurs pastels semblent sortir tout droit d’un tableau d’Edward Hopper.
Au delà de la maîtrise photographique, au sens de l’acuité du regard, le photographe nous présente une scène qui vacille entre humour et terreur. De suite, m’est venue à l’esprit cette photographie d’Andreas Gursky qui emploie presque le même traitement : un lieu de loisir côtoyant un lieu industriel.
Andreas Gursky, Grant Hyatt Park, 1995.
On est confronté là à toute l’aberration des recherches urbanistiques dans des zones à fort développement industriel. La surpopulation, la concentration dans les villes et le désir naturel de l’Homme à rester en contact avec la nature trouvent une justification à ces réalisations.
Si vous êtes de passage dans la région, je vous conseille vivement cette exposition. A noter que la galerie du Château d’Eau présente aussi le travail d’André Mérian qui a bénéficié d’une résidence d’artiste à Toulouse pour un travail sur plusieurs quartiers de la ville dont celui du Mirail. Pour être tout à fait honnête, les images de ce dernier ne m’ont pas vraiment touché… affaire de goût très certainement !
Faites le deuil de votre propre mort et vous commencerez à vivre ! J’ai 26 ans et je considère que j’ai fait mon temps sur Terre. Ne lisez pas dans ces lignes un aveu de projet d’autolyse comme on dit dans l’armée (pour parler du suicide) mais exactement l’inverse !
L’homme préhistorique, avec qui je me plais souvent à réaliser quelques comparaisons a une espérance de vie inférieure à 30 ans. Quelque part, chaque année supplémentaire à laquelle j’ai droit est une chance, un bonus : alors, pourquoi ne pas en profiter comme tel ?!
L’hédonisme a dicté les décisions les plus importantes que j’ai eu à faire dans ma vie. Arrêter mes études en cours de route alors que tout le monde me conseillait le contraire. Partir en Colombie sur un coup de tête en achetant un billet aller-retour pour Bogotá à 2 heures du matin. Tout plaquer pour quitter plus de dix ans d’apprentissage et de compétences dans un domaine – l’informatique – pour en découvrir un nouveau où je débute – la photographie -. Ou encore, pour mes 19 ans, organiser un voyage le long des lignes du transsibérien avec un ami alors que personne n’y croyait, à commencer par mes parents !
Suivre ses désirs et rien que ses désirs, tant que l’on n’endosse pas quelconque responsabilité au regard de la société, c’est le meilleur moyen d’avancer, pas forcément de grandir par contre. Pour ça, il faut regarder la personnalité de chacun et surtout l’ « âge d’une âme ». Je pourrai développer ce point dans un autre article mais rapidement je considère qu’une personne que l’on qualifie de mature le doit à son âme. L’âme serait ce qui regroupe plusieurs vies de la même manière qu’une vie regroupe l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
Voici un rapide schéma résumant ma pensée sur le sujet.
Vision personnelle de l'évolution de la maturité.
Bref, l’envie du moment c’est de vivre des expériences hors du commun, de faire des rencontres humaines et de ne pas perdre mon temps à construire mon confort matériel dans une société qui n’est basée que sur ça. Je n’ai rien contre le matérialisme. Comme le dirait Fabrice Midal, il n’y a rien de mauvais dans l’ « avoir », bien au contraire. Cependant, actuellement, c’est plus un boulet pour moi qu’autre chose, le matérialisme ne m’apporte plus rien dans mon développement personnel. A choisir entre un voyage et un bel appareil photo, je choisis sans hésiter le premier. Il y a quinze ans, je ne suis pas sûr que j’aurais répondu la même chose !
Je veux donc découvrir, vivre sans filet, aimer, donner, souffrir, apprendre, douter, apprécier et être encore plus sensible. La sensibilité, c’est une connexion directe au monde qui nous entoure. Le rapport à autrui fait tout l’intérêt et le mystère d’un être humain. Si avant je pouvais admirer quelqu’un par ses réalisations, maintenant, cela m’est totalement indifférent. Je me contrefiche de la culture d’un Homme, de ce qu’il fait, de son intelligence. Il est prix Nobel de physique ? Il a monté son entreprise et maintenant est milliardaire ? Il est docteur en philosophie et ses livres sont traduits dans plus de cinquante pays ? Tout cela m’est bien égal. Ce n’est qu’une succession de non-informations dans mon esprit. Par contre, l’humanité qui se dégage d’un être est le point important de l’Humanité tout court.
Mon entourage a changé par rapport à il y a quelques années. J’accorde de plus en plus d’importance aux gens qui sont, simplement. Ceux qui vous disent sans détour ce qu’ils pensent de vous, qui vous côtoient pour l’unique intérêt du plaisir de passer du temps ensemble, ceux qui vous font rire et que vous continuez à voir même s’ils sont avares, égoïstes ou lunatiques ! Au fond, ce sont les personnes qui amènent un bol d’air frais, un souffle positif sur leur entourage. N’y voyez pas ce positivisme simpliste que les média se plaisent à relayer parce que « ça fait vendre et c’est tendance », ni même ce positivisme thérapeutique où une relation entre deux amis ne tient que par la bipolarité des personnalités (un heureux, un triste). Je pense plutôt aux gens qui sont bienveillants. J’en ai rencontré partout dans le monde : en Colombie grâce à Michael, ce voyageur itinérant qui en quelques phrases m’a donné la plus grande leçon de vie de mon existence, en Mongolie par cette femme, la maîtresse de maison qui s’occupait de toute la famille dans la yourte où nous étions hébergés et qui nous avait amenés, à dos de chameau, dans le désert de Gobi. Elle ne disait mot mais son visage envoyait les messages les plus purs que j’ai pu recevoir. Et puis en Europe bien évidemment, notamment avec Morisia, mon ex-colocatrice italienne avec qui j’ai une relation quasi-fraternelle.
Cet après-midi mon neveu de deux ans regardait un dessin animé pour enfants. Deux petits oiseaux s’éloignent du nid et l’un deux a peur : « il faut rentrer, c’est dangereux ». L’autre, plus téméraire persiste et s’avance dans la nature hostile. Un renard surgit, les menace et les deux petits oiseaux ne sachant pas encore voler commencent à courir. Le renard distancé, ils avaient survécu. L’oiseau qui doutait dit à l’autre « Tu vois, je t’avais dit qu’il ne fallait pas s’éloigner ». L’autre, encore essoufflé lui répond avec un sourire « Mais si ! Regarde, si on n’était pas parti, on n’aurait jamais vécu cette expérience ! ».
La vie devrait se résumer à cette devise simpliste mais tellement vraie et saine.
Qu’importe si on perd la vie suite à quelconque danger pris, on aura vécu pleinement et intensément.
Le fait de dire je peux mourir demain est une double libération : celle de l’existence, plus ternie ni lissée par la crainte de la mort et celle de la mort elle-même qui ne nécessite plus aucune préparation psychologique pour « partir en paix ». Vivre ses passions passionnément répond à tout ça.
Lorsqu’Henri Cartier-Bresson parle du Mexique, la larme à l’œil, il évoque de suite la passion qui anime les gens qui vivent dans ce pays. Il en parle avec nostalgie, celle d’un temps – une époque de sa vie – où on ne se préoccupe pas du temps justement. Tout est dans le présent.
Dans ma vision idéaliste, il suffit de prendre un avion pour Rio, pour aller étudier l’anthropologie dans une université brésilienne. Le portugais ? J’apprendrai sur place, tout comme j’ai appris l’espagnol à Alicante.
Et puis, je m’en lasserai, la vie tranquille me rattraperait avec tout son danger d’immobilisme mental. Je voudrai à nouveau remettre mon corps en danger par l’insécurité et vivre des expériences marquantes. Je me débrouillerai pour trouver un moyen de rentrer aux États-Unis, légalement, et j’irai à New York. Je n’aurai pas d’emploi et là, je tomberai sur une affichette dans la rue qui proposerait d’être barman. J’ai toujours rêvé de travailler dans la restauration, c’est un théâtre interactif, on assiste au bal des êtres humains et on en est acteur par la même occasion ! Il faut comprendre les comportements des clients, il faut analyser sociologiquement tous les individus. Ceux-là sont-ils en couple ? Et ces parents accompagnés de leurs enfants, sont-ils en train de s’offrir leur premier voyage en famille ? Ce vieil homme qui lit son journal tous les matins à la même place, dois-je lui amener directement son jus d’orange quotidien ou lui laisserais-je l’occasion de briser la routine du quotidien en le laissant me commander une autre boisson ?
Ainsi, d’expérience en expérience, ma vie s’enrichirait. Elle serait une suite d’aventures fatigantes mais croustillantes où les relations humaines prendraient la place centrale. Se confronter à l’autre, humainement, culturellement parlant, c’est devenir un caméléon et s’adapter à l’autre pour le comprendre. Tout cela suppose d’accepter l’inconfort de l’acceptation de nouveaux points de vue, remettant en cause tout le socle sur lequel nous nous sommes bâtis pendant plusieurs années. L’Homme a besoin de repères mais l’Homme réellement libre ne s’enrichit que par la seule certitude de l’incertitude. La vraie curiosité et découverte, celle qui nous change profondément, a un coût. Il suffit de renoncer à ce que l’on va perdre pour recevoir ce qui nous sera donné dans notre vie. Dès lors, on peut mourir demain ou dans cent ans car notre vie n’aura souffert d’aucun regret.
Quelle folie d’aller s’asseoir dans le fauteuil rouge profond d’une salle de concert et d’écouter, transporté, un concerto de Tchaïkovski !
Quel délice d’oser prendre sur son temps pour remplir de couleurs harmonieuses une feuille de papier, dessiner et s’exprimer.
Enfin, quel luxe de pouvoir aller dans un parc, prendre place sur un banc et, muet, penser à sa condition voire à l’humanité.
Me voilà de retour de la projection du film La route, tiré du roman éponyme de Cormac McCarthy. Il présente la vie quotidienne d’un père et son fils, dans un univers post-apocalyptique. Ils doivent manger, survivre, marcher et tentent d’éviter le cannibalisme malgré leur faim. Leur vie est brute, sans répit. Dans un monde pareil, la tranquillité semble être un néologisme. Même s’il s’agit d’une fiction, il fut un temps sur Terre où l’ensemble des êtres humains devaient avoir une vie similaire.
En regardant la vie d’un occidental moyen, le contraste est saisissant. Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, on insère un plat cuisiné dans le four à micro-ondes et deux minutes plus tard, notre repas est prêt et son besoin oublié ?
L’évolution.
L’homme a trois besoins : se nourrir, dormir et se reproduire. Toute l’évolution de l’humanité s’est efforcée de travailler sur ces trois points pour qu’ils ne représentent plus de problème à l’homme dans sa vie de tous les jours. Il n’a plus à s’en préoccuper et peut donc passer au palier supérieur.
Pyramide de l’activité humaine en fonction de l’évolution.
Il existe une pyramide des priorités, variant plus ou moins en fonction des cultures. Chacun pourrait créer la sienne, je vous présente ci-dessus comment je vois l’évolution humaine. La définition même d’évolution est très subjective : les moines tibétains n’auront certainement pas la même définition que certains milliardaires ultra-matérialistes mais qu’importe, il y a malgré tout des points communs.
Le premier fait de l’évolution humaine porte sur la pensée. Tout être humain n’a pas le luxe de philosopher. La philosophie, représentée en rouge dans le schéma (pensée) suppose d’être serein, donc d’avoir du temps et de vivre dans un certain confort matériel.
Pouvoir penser aux choses qui nous entourent et analyser notre rapport au monde n’est pas du tout lié à la structure mentale de l’individu. En d’autres termes, même les imbéciles peuvent philosopher ! Par contre, le mineur – intelligent ou pas – qui travaille douze heures par jour à casser de la roche tous les mois de l’année, qui n’a pas de vacances et qui dort dans une habitation bruyante n’aura que peu de chance de se voir philosopher un jour sur sa condition. Effectivement, cela suppose du temps et un environnement apaisant.
Le but de l’évolution humaine, à mon sens, est que ce luxe n’en soit plus un. Une société moderne, idyllique à la préhistoire, serait que l’ensemble des êtres humains passent leur temps à s’amuser, rigoler, créer, écouter de la musique, discuter. Arriver à cet état signifierait que les premiers paliers de l’évolution, en suivant le schéma sont acquis et que les Hommes ne se concentrent que sur le haut de la pyramide. Tout le monde aurait une maison chauffée, avec l’eau courante et l’électricité, elle serait reliée à Internet et on se déplacerait avec une grande mobilité.
On pourrait alors disserter sur l’avenir de l’Homme, ou plus futilement se demander si « le prout, c’est chic ? » (le blog de Daphné Burki est une véritable agence de publicité pour le futile. Et, sérieusement, c’est une grande marque d’évolution humaine !) ou enfin faire une soirée beauf-revival en écoutant du Joe Dassin sous-titré en japonais.
De même, les notions de plaisir et d’humour n’ont rien de systématiques. Si le rire est presque une exclusivité humaine (à l’exception du singe, et de quelques rares autres animaux qui jouent entre eux), il est fortement lié au cadre dans lequel on vit, aux conditions sociales. Il est évident qu’une vie dure, comme celle des héros du film La Route, n’est pas du tout propice à l’humour. Ce dernier répond donc d’un certain confort « matériel ».
Je crois donc en la futilité. Longtemps je me suis demandé ce qui m’intriguait chez certaines personnes (surtout des filles), il s’agissait de cette légèreté dans l’appréciation de la vie. Pénélope Bagieu (mais aussi Les Pintades) en fait partie par exemple. Ses histoires sont fraîches, simples et marrantes ! Elles font du bien au cerveau car nous éloignent de nos besoins primaires, pulsionnels.
La futilité est donc un hymne au plus haut niveau de l’évolution humaine, selon les valeurs occidentales malgré tout. C’est une sorte de Graal à atteindre et dont la route présente entre autres points de contrôle toute la culture Pop des années 60-70.
Le seul point inquiétant dans tout ça, et je ne m’étendrai pas dessus car l’heure est suffisamment au pessimisme, c’est l’extrême polarité des conditions sociales. Comment dans un pays comme la France, peut-on encore trouver des êtres qui essaient de survivre, comme les sans-abri par exemple : attaqués, affamés comme des animaux et sur le trottoir d’en face une personne s’amusant sur son téléphone portable pour atteindre le dernier niveau de son jeu vidéo à grands renforts de sabres laser en pixels ?!
Quoiqu’il en soit, les activités qui n’ont pas d’importance profonde représentent un cap du confort matériel. La spiritualité, grande absente de cet article, pourrait finalement n’être qu’une étape vers le palier supérieur.
Arriver à la futilité, c’est atteindre un niveau de sagesse, dicté certes par une aisance matérielle mais aussi par une liberté de l’esprit, qui s’inscrit dans le présent.
Les réflex petit format actuels enregistrent la scène de la prise de vue en noir et blanc. Ce sont des filtres colorés (Rouge, Vert et Bleu), positionnés avant le capteur qui permettent de déterminer la couleur du sujet.
Cette étape, appelé dématriçage est effectuée par un algorithme informatique par interpolation et déduction. L’image brute (RAW), en noir et blanc, est livrée au logiciel qui va traduire ces informations et générer une image couleur.
Cet article présente un comparatif des principaux logiciels de dématriçage du marché pour les différencier sur les « tons chair » (skin tones). Pour cet exemple, j’ai choisi une photographie réalisée en studio il y a quelques jours pour une amie styliste.
Lightroom (version 2.5), réglages effectués sur la teinte, saturation et luminance (module TSL) pour essayer d’approcher au mieux le résultat du fichier JPG généré par le boîtier
Dans cette vue d’ensemble, on peut déjà écarter d’office Lightroom qui renforce de manière exagérée le contraste en montant les valeurs neutres. La peau devient blanche et perd donc toute vraisemblance. La différence des tons clair censés être neutres (le fond) est intéressante aussi : Lightroom et Capture One donnent un fond un peu plus chaud que les autres logiciels.
L’image traitée par Capture One a un côté glauque je trouve, certainement du à la trop forte saturation de la peau.
DXO Optics fournit une photographie très brillante avec une tendance à une légère sur-exposition qui fait perdre certaines valeurs, notamment sur la robe.
Finalement, les deux sorties de Nikon (boîtier et logiciel) semblent assez fidèles et raisonnables dans le traitement.
Comparatif des tons chair, agrandissement.
En agrandissant la zone du visage, beaucoup de points de vue se confirment.
Capture One est définitivement trop dense et « jaune » (noter la petite ombre au point d’intersection des deux lèvres et de la joue droite : elle est plus sombre que celle de Capture NX par exemple)
Capture NX, par rapport à Lightroom (image avec les réglages), donne des tons chairs plus lisses et qui sont plus flâteurs : la peau semble plus uniforme.
DXO Optics génère une image très fidèle aussi, bien qu’un peu trop lumineuse, comme dit précédemment.
En conclusion, pour cette image-ci, j’ai opté pour le résultat fourni par Capture NX qui semble le plus juste. Cependant, cela ne signifie pas qu’il s’agit de la meilleure solution quel que soit le cas. Tout dépend du rendu que veut le photographe et quelle est le type de diffusion de son image (photographie publicitaire, documentaire, personnelle).
Malgré tout, je trouve que le traitement effectué Adobe Lightroom est très inquiétant ! Il est bien trop prononcé pour être fidèle et l’utilisant comme logiciel de gestion de mon flux de production, je vais devoir garder à l’esprit qu’un algorithme de dématriçage n’est qu’une interprétation, une vision d’un fichier monochrome.
Pour information, la firme Hasselblad a sorti il y a peu un mode nommé MS pour Multiple-Shot qui permet, avec un seul capteur, de créer une image directement en couleur. La technique consiste à prendre quatre photos successives en faisant décaler d’un pixel la place du capteur à chaque prise. On obtient donc un pixel rouge, un pixel bleu et deux pixels vert (un pour la couleur et l’autre servant entre autres à vérifier le bougé lors de la prise de vue). Plus d’informations sont disponibles sur le site du constructeur : Hasselblad H4D-50MS.
Depuis mon stage à Arles de photographie de portrait (avec David Balicki comme maître de stage), je me suis intéressé de plus en plus à la photographie sociale, au reportage photo.
En regardant ce que font les autres photographes, j’ai découvert beaucoup d’images : des bonnes et des moins bonnes. Au fur et à mesure que j’avance et que j’analyse certaines séries photographiques, j’ai peur de tomber dans l’impasse du journaliste, ou photojournaliste. Concrètement, cela consiste à traiter un sujet de manière superficielle, sans réelle implication personnelle.
Pour qu’un sujet soit vraiment intéressant, le photographe doit se mouiller, ne pas considérer qu’il est au travail mais apprécier la rencontre de l’autre comme un instant de sa vie. Je vois là une différence fondamentale entre le photo-journaliste qui agit rapidement, sans profondeur ni compassion, et le photographe qui oublierait presque pourquoi il est là, observe, vit. L’appareil photographique devient accessoire.
Lorsque je suis allé voir l’exposition 6 milliards d’autres de Yann Arthus-Bertrand, j’ai ressenti ce vide dans la démarche. Certes, ce n’était pas un projet photo mais les vidéos étaient accompagnées d’images fixes. Les assistants du célèbre photographe déroulaient un questionnaire à des habitants des cinq continents, et filmaient les réponses. Les questions portaient sur leurs rêves, leurs peurs, leurs espoirs et quelques dizaines autres notions existentielles.
Sur le papier, ça aurait du fonctionner et l’idée est suffisamment intéressante pour croire en ce projet mais là où toute la force du concept tombe à l’eau, c’est justement cet aspect trop journalistique. En visionnant le making-of, les assistants arrivaient sur un lieu, filmaient l’interview et repartaient, c’était réalisé à la chaîne, presque sans humanité. Je ne doute pas des bons sentiments des différents intervenants du projet, cependant la logistique était telle que le temps était compté et jouait en défaveur de la qualité finale du résultat.
De la même manière, il est connu que certains photographes de guerre sont dépêchés sur place, en plein milieu d’un conflit par des agences filaires, font leur photo en mitraillant les lieux, les gens et remontent dans l’avion quelques jours après. Tout est fini, sans qualité. Je vous conseille d’ailleurs à ce sujet de regarder l’excellent documentaire s’intitulant « AFP, profession photographe » produit par Actual Prod.
L’article que j’écris est une mise en garde personnelle. Dépasser ce stade là signifie une implication personnelle hors norme. Elle implique une vision idéologique du reportage photographique, loin des canons classiques. Certaines productions audiovisuelles françaises sont en grande partie responsables de la pauvreté de traitement des sujets sociaux : Envoyé Spécial, Zone interdite, Enquête exclusive…etc. A leur décharge, elles n’ont pas une vocation autre que celle d’informer. L’information, bien que présentée et interprétée par une salle de rédaction, manque de finesse et d’humanité.
L’émission Strip-Tease est un OVNI dans ce paysage. Le modus operandi des réalisateurs s’approche fortement de celui des photographes : la captation prend la place de la création. La caméra ne bouge pas ou peu, et une scène de vie se déroule. La prise de conscience de la présence du dispositif technique s’est effacée avec le temps et aussi grâce à la discrétion des opérateurs. Le résultat est stupéfiant : il est juste et vrai. Le spectateur a la sensation d’avoir assisté à un moment intime, où il n’était pas présent, comme une mouche qui volerait au dessus d’un dîner et à laquelle personne ne prêterait attention. Beaucoup de photographes humanistes, dont Henri Cartier-Bresson, recherchaient cette situation privilégiée.
Dans mes objectifs personnels, je veux réaliser des reportages sociaux, sans tomber dans la banalité journalistique (Strip-Tease étant un cas à part, c’est une émission intelligente, de qualité et profondément humaine). Le travail du journaliste n’est ni évident ni réduit, il nécessite des qualités pluridisciplinaires et un dynamisme à toute épreuve ! Cependant, ma vision de la photographie sociale est autre et par les exemples qui suivent, je compte me tracer une voie intérieure qui souligne mon intérêt profond pour l’Homme et sa manière d’aborder son existence, son humanité au sein de l’Humanité.
Comme transition, le travail d’Olivier Culmann, du collectif Tendance Floue semble tout à fait correspondre à la traduction photographique de l’émission Strip-Tease justement. Ce sont des portraits de téléspectateurs, dans différents pays du Monde, dans leur intérieur regardant le petit écran. Le photographe est à côté, capte ce moment et en s’oubliant vis-à-vis du sujet, le décrit simplement.
Olivier Culmann, Série "Télé-spectateurs", 2009.
Olivier Culmann, Série "Télé-spectateurs", 2009.
Par cette série, on dépasse la simple information. Il y a un point de vue, une subjectivité et un contact avec les gens.
La proximité avec le sujet se retrouve dans les photographies de Larry Clark aussi. De tous temps, il a suivi l’adolescence décadente américaine.
Larry Clark, Billy Mann, 1963.
Dans cette photographie, prise en 1963, la position même du photographe qui est à l’intérieur de la voiture est très révélatrice de son comportement en reportage. Son attitude se retranscrit dans les photos finales à savoir le fait qu’il partage la vie des gens, qu’il est avec eux pendant un temps prolongé. Là, il est côté passager dans la voiture, avec lui. Le fait de monter dans une voiture avec une personne amène de facto une intimité : on est en route, ensemble pour une direction commune et dans un espace réduit.
La notion de temps est très importante en reportage. On ne fera pas la même photo si on a la possibilité de la faire en dix fois plus de temps. Quand Olivier Roller photographie Patti Smith (vidéo de la séance photo), il explique :
Pour cette photographie là de Patti Smith il y avait une contrainte particulière qui est celle du temps. Et pouvoir faire une photo en deux minutes, c’est compliqué. Moi j’aime bien.
Malgré tout je suis face à quelqu’un que je ne connais pas, qui a une certaine habitude de la photographie, qui est une star, qui est très sollicitée, très photographiée depuis des dizaines d’années. Je suis en situation d’infériorité dans cette histoire. Elle ne me connaît pas, ça va durer cinq minutes.
C’est très brutal.
Cette fille-là, elle ne va rien lâcher. Elle connaît trop bien ça et il n’y a aucune raison qu’elle me donne quelque chose. Elle ne va pas se mettre en danger. En deux minutes, elle ne va pas se mettre en danger. En cinq minutes non plus. En une heure, on aurait une chance.
Je pense que je serai dans le regret de ce que j’aurais pu faire d’elle.
De même, dans une entrevue pour Frog Magazine, à la question « Y a-t-il des célébrités que vous voudriez vraiment photographier ? », la photographe Collier Schorr répond :
[…] Et Brad Pitt aussi m’intrigue, car je sais qu’il demande au moins deux jours pour faire une photographie, il vous demande d’avoir différentes idées, de laisser ces idées évoluer, et je trouve cela fascinant car la plupart des célébrités veulent être débarrassées de l’exercice de la photographie le plus rapidement possible.
Danny Lyon, comme bien d’autres, l’a mis en pratique dès le départ. Il a passé plusieurs années en suivant un groupe de motards hors-la-loi aux Etats-Unis. Il s’est intégré au groupe et a partagé leur mode de vie. Pour le photographe, ses photos étaient « une tentative d’immortaliser et de glorifier la vie des motards Américains ».
Danny Lyon, Crossing the Ohio, Louisville. 1966.
Danny Lyon, At the Clubhouse, 1965.
Pour finir, comment ne pas citer Antoine d’Agata, qui a rejoint Magnum Photo en 2008. Il conçoit sa photographie comme une « expérience à vivre » dans le sens où ce qui est important pour lui est de vivre l’instant, l’appareil photo est là pour enregistrer le moment mais rien de plus. On remarque que beaucoup de ses photos sont floues, prises sur le vif. La photographie serait dans son cas presque un prétexte, un alibi pour vivre des expériences extra-ordinaires.
Antoine d'Agata, extrait de la série Mala Noche, 1991-1997.
Antoine d'Agata, Guatemala city / MAGNUM
Au fond, ce que je recherche dans la photographie sociale, c’est un contact franc avec l’autre. Dans la vie, ce qui fait grandir, ce sont les rencontres humaines et pour qu’il en ressorte quelque chose, c’est-à-dire que je m’en trouve changé, il faut être jusqu’au boutiste, ne pas s’arrêter en chemin et vivre pleinement les expériences.
Le photojournaliste est en quête de l’information alors que le photographe social s’intéresse à la rencontre humaine.
L’exposition regroupe des peintures et photographies de l’artiste, dont notamment cette photographie intitulée Hickey.
Clay Ketter, Hickey. 2009.
Elle a été prise en 2009, lors d’un travail mené sur trois semaines dans l’état du Mississipi, qui a été ravagé par l’ouragan Katrina en août 2005.
Clay Ketter n’a fait aucune retouche sur ses photos, elles ont été prises à la chambre grand format, depuis une grue pour obtenir ce point de vue aérien, plongeant.
J’ai été profondément ému par cette photographie, d’autant que je ne connaissais pas cet artiste et d’où provenaient ses photos. Tout semblait parfait, de bon goût et puis, quel soucis du détail !
La composition était implacable, construite par les différentes textures, dictées par les matériaux se juxtaposant dans l’image. C’était un plan de maison dont les murs n’existaient plus. En résulte une mise à nu des pièces dont on devine la fonction. Une douche sur la droite, un salon avec couloir au milieu, une chambre à gauche. Les interrogations arrivent vite car le puzzle est incomplet.
Pourquoi cette maison est-elle si endommagée ? Est-ce l’imagination de l’artiste, une photographie documentaire ou une photographie retouchée, créée de toute pièce ? Quoiqu’il en soit, je trouvais la disposition de ces petits carreaux incroyablement juste et harmonieuse. On pourrait croire à une mosaïque dans une photo, comme une peinture dans une peinture. J’ai aussi pensé à une idée de zoom qui fasse apparaître la texture de l’image, avec une granularité plus grande où chaque carreau serait un pixel. L’artiste nous invite à nous rapprocher pour apprécier le détail du bois cassé, puis nous éloigner pour avoir une vision d’ensemble et essayer de trouver la solution à cette image.
Et puis, à mon retour chez moi je lis le dossier de presse de la galerie. C’est donc l’ouragan qui a crée tout ça, la nature est aussi violente que parfaite ! Certes, il y a eu le choix du photographe de faire un sujet sur ces habitations désincarnées, de décider d’un point de vue atypique, d’employer un appareil photographique haute-résolution et d’opter pour un tirage couleur argentique (C-print) qui restitue avec volupté toutes ces informations visuelles ; mais, malgré tout, l’auteur de cette photo reste en grande partie l’Homme au sens large et la nature qui l’entoure. C’est très certainement grâce à la double propriété de cette création (le sujet qui est tout autant auteur que le photographe) que cette photographie est à la frontière entre le document et l’œuvre d’art. Une œuvre art qui a une portée documentaire, consciente ou non est à mon sens toujours plus forte.
Clay Ketter, Oden Sr. 2007.
Clay Ketter parle, dans une interview vidéo pour le Moderna Museet à Stockholm de son travail, des peintures à ses photographies récentes. Le documentaire est en deux parties.